VoltAero Cassio, un projet français d’avion léger hybride

Publié le par Touring

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Jean Botti et Didier Esteyne, les pères du programme d’avion électrique l’E-Fan enterré par Airbus, reviennent avec un projet d’avion hybride de quatre places et plus, avec lequel ils ambitionnent de titiller le Cirrus SR22 sur le marché des avions légers privés. Le premier vol du démonstrateur Cassio 1 est annoncé pour début 2019. Le concept innovateur de gestion de la double source d’énergie ouvre des perspectives. Et si la solution était là ?

 
 

Le démonstrateur de l'avion hybride Cassio 1 de VoltAero sera équipé, à l’avant, de deux moteurs électriques indépendants qui assureront la traction en entrainant chacun une hélice tractrice. A l’arrière, il sera doté de trois moteurs électriques engrenés et couplés à un moteur thermique, l’ensemble entrainant une unique hélice propulsive. © VoltAero

Ils sont sans doute en France, ceux qui ont la plus grande expérience en matière d’aviation électrique. Jean Botti et Didier Esteyne ont fait leurs armes sur le Cricri électrique avant d’être aspirés avec leur E-Fan par Airbus. Et c’est peut-être cette expérience du 100% électrique qui les a faits basculer dans l’hybride au moment de rebondir après avoir été lâchés par le poids-lourd européen.

De la suite dans les idées

« Quand Airbus a décidé d’arrêter l’efan, je n’ai pas voulu laisser tomber ceux à qui j’avais fait des promesses », reconnaît Jean Botti. Il était alors directeur général délégué de l’innovation du groupe et il avait annoncé la création d’une unité de production à Pau d’une capacité de 200 avions par an. En septembre 2017, il a donc créé VoltAero avec la ferme intention de tenir ses promesses.

L’ingénieur et pilote d’essais Didier Esteyne, qui a la paternité de l’E-Fan, l’a officiellement rejoint en juin 2018. Début octobre 2018, les deux hommes qui s’entendent très bien, ont dévoilé leur projet, en présence du président de la région Nouvelle-Aquitaine, qui leur apporte un soutien matériel.

Les leçons du passé

Le lancement médiatique du Cassio, s’est fait dans le hangar de VoltAero, sur l’aérodrome de Royan. L’événement a été beaucoup moins gigantesque et retentissant que celui de l’E-Fan, organisé en avril 2014 par Airbus, à Bordeaux-Mérignac, en présence d’un ministre enflammé.

Depuis, ils ont tiré les leçons de cette aventure douloureuse qui leur a néanmoins permis d’acquérir des convictions, pas seulement sur le plan de la gestion médiatique d’un projet innovant, mais surtout sur le plan technologique.

De l’E-Fan électrique au Cassio hybride

 

Le démonstrateur du Cassio hybride devrait voler début 2019. © VoltAero

Jean Botti et Didier Esteyne misent désormais sur l’hybride pour tirer parti de la double source d’énergie. « Le décollage et l’atterrissage se feront en mode électrique, le moteur thermique tournant au ralenti afin de pouvoir prendre le relai en cas de panne de la motorisation électrique ou d’une batterie. Le thermique intervient dans ce cas pour la sécurité », explique Jean Botti. « En palier, le thermique recharge les batteries et permet la sustentation ».

Le Cassio est un avion de type « Push-Pull », autrement dit, « Propulsion-Traction ». Le démonstrateur Cassio 1 sera équipé, à l’avant, de deux moteurs électriques indépendants qui assureront la traction en entrainant chacun une hélice tractrice. A l’arrière, il sera doté de trois moteurs électriques engrenés et couplés à un moteur thermique, l’ensemble entrainant une hélice propulsive.

La gestion des sources de puissance

« A terme la gestion des différentes sources de puissance sera transparente pour le pilote », assure Didier Esteyne, qui, avec Jean Botti est détenteur d’un brevet. Esteyne qui fut en d’autres temps le pilote d’essais de l’E-Fan, sera évidemment celui aussi du Cassio 1. Toutefois, il ne sera pas seul à bord. « Je serai accompagné par un deuxième pilote d’essais dont la mission sera de monitorer l’instrumentation afin de vérifier les fonctions. Sur Cassio 1 nous allons créer les lois de commandes que nous implémenterons dans un FADEC », explique le pilote. « Cassio 2, le prototype sera équipé d’un module de puissance intégré ».

Une puissance electrique globale de 5 x 60 kW

En résumé, le démonstrateur du programme Cassio sera équipé de cinq moteurs électriques et d’un moteur thermique. Les moteurs électriques sont fournis par Rotec qui était également présent sur l’E-Fan. « Ce moteur développe une puissance de 60 kW pour une masse de 17 kg. Nous avons effectué avec l’E-Fan, une soixantaine d’heures de vol et 25 heures sur banc », rappelle Didier Esteyne qui précise que le Cassio 2, c’est-à-dire le prototype de Phase 2, sera doté d’une nouvelle génération de moteur électrique.

 

Le premier vol du démonstrateur Cassio 1 doit avoir lieu début 2019. © VoltAero

« Nous allons également travailler avec les batteries disponibles, tout en faisant un pari sur les progrès en la matière, notamment en termes de gain de masse et d’amélioration des performances énergétiques », ajoute Jean Botti. Pour l’heure le module de batteries et les assemblages sont réalisés par VoltAero à partir de cellules du type de celles de l’E-Fan. « Nous faisons l’intégration nous-même ».

Un moteur thermique automobile avec une puissance de 180KW

Quant au moteur thermique, il ne s’agit pas, comme on aurait pu s’y attendre d’un Rotax. Jean Botti et Didier Esteyne ont fait le choix, dans la phase de développement du projet, d’un moteur automobile, un Nissan V6, bloc alu relativement léger. « Nous n’avons pas besoin d’un moteur d’avion », tranche Botti. « Le moteur thermique n’est pas un moteur de propulsion. Il a vocation première de recharger les batteries. Les kW principaux sortiront de l’électrique ».

Le moteur Nissan V6 sera utilisé sur le démonstrateur Cassio 1. L’objectif de VoltAero est de développer un moteur thermique spécifique qui réponde précisément aux besoins. Ce projet est confié à Solution F qui était déjà partenaire du programme E-Fan.

La Structure : une cellule déjà certifiée

A l’évidence la clé de la réussite du projet Cassio est la mise au point du module de puissance capable de gérer automatiquement les différentes énergies. « Afin de nous focaliser sur ce module de puissance et de faire voler rapidement un avion, nous avons fait le choix d’une cellule existante » en ce qui concerne la structure.

 

Dans la pointe avant du Cessna « Push-Pull » sont logées une partie des batteries du démonstrateur du Cassio 1 hybride. © VoltAero

 

© VoltAero

Le seul « push-pull » construit en grand nombre a été le Cessna C337 Skymaster. « C’est la cellule structurelle qui répond le mieux à nos besoins, elle est solide et son domaine de vol est connu. Pour le démonstrateur, nous ne recherchons pas la performance. Notre objectif est la mise au point du système de gestion de l’énergie », insiste Jean Botti. VoltAero a en fait acquis deux cellules de Skymaster.

Un démonstrateur associé à un « Iron bird »

L’une ne volera jamais. C’est l’« Iron bird » sur lequel sont testées les options de montage. « Il nous sert à réaliser les essais de fonctionnalité », précise Didier Esteyne. La seconde cellule, sera le démonstrateur Cassio 1 qui « va pouvoir voler le plus rapidement possible, sans modifications majeures ». La cellule métallique est adaptée. Les modifications sont réalisées en composites par ACS, partenaire historique de Didier Esteyne et Jean Botti. C’est ACS, également implanté à Royan, qui a construit la cellule de l’E-Fan.

Le Skymaster de Cessna s’est révélé être le bon choix. La pointe avant a été modifiée. En lieu et place du moteur Continental d’origine ont été installées des batteries qui permettent de conserver le centrage dans la même plage. Les autres batteries ont été positionnées, dans l’aile, à la place des réservoirs de carburant. Les panneaux d’extrados démontables ont grandement facilité l’opération.

Le moteur thermique est alimenté par deux réservoirs de carburant d’un volume total de 120 litres logés dans chaque aile. Deux pylônes en composite ont été implantés, de part et d’autre de la cabine, sur le bord d’attaque de l’aile pour les deux moteurs électriques avant.

Premier vol en 2019

Le démonstrateur Cassio 1 qui doit voler en début 2019, ne préfigure en rien la cellule définitive de l’avion hybride. Associé à l’ « Iron bird », il a uniquement pour vocation première de mettre au point la distribution de la puissance électrique. Le prototype Cassio 2, sera un avion entièrement en composite, qui possèdera son propre design. Jean Botti et Didier Esteyne ont réuni au sein de VoltAero, une équipe de onze salariés à temps plein, dont la plupart ont travaillé sur l’eFan. La plupart sont d’ailleurs pilotes eux-mêmes.

Un avion hybride de grand tourisme

L’avion hybride Cassio qui est en train de prendre forme sur l’aéroport de Royan devrait avoir une autonomie de 3,5 heures de vol. Selon les versions, il pourrait emporter de 4 à 9 personnes dans une cabine non pressurisée. La vitesse de croisière visée est de 300 km/h. Voltaero prévoit qu’il faudra environ une heure de croisière pour recharger complètement les batteries utilisées pour le décollage et la montée.

Avec leur avion hybride, Jean Botti et Didier Esteyne visent le marché des monomoteurs de tourisme du type C172 et surtout SR22. Ils sont convaincus que leur avion silencieux fera rapidement la différence auprès des riverains et des exploitants d’aérodromes. Botti insiste également sur la sécurité que confère, selon lui, la redondance de la motorisation.

Comme pour l’E-Fan, il affiche de grandes ambitions. Son objectif est d’atteindre une production de 150 avions par an. Pour cela, il a besoin de 70 millions d’euros. Les livraisons pourraient débuter en faible volume en fin 2021-début 2022.

« J’avais le choix de ne pas revenir », reconnaît l’ancien directeur général délégué de l’innovation d’Airbus. « Nous avons commencé à créer une aéronautique électrique tricolore. Nous voulons la remettre dans la concurrence internationale ».

Gil Roy

Aerobuzz 28/10/2018

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